Traite négrière, esclavage et abolitions, pour un inventaire muséographique
 
Le Comité Pour la Mémoire de l’Esclavage (CPME), institué à la suite de la loi de mai 2001, a engagé, et ce dès 2005, avec la direction des musées de France, ministère de la Culture et de la Communication et le soutien du ministère de l’Outre-Mer, un inventaire des objets relatifs à la traite négrière, l’esclavage et ses abolitions. Cet inventaire est à ses débuts, mais nous avons souhaité, à l’occasion de la première Commémoration nationale des mémoires de la traite négrière et de l’esclavage en France métropolitaine, le 10 mai 2006, en présenter une sélection. Loin d’être exhaustive, elle permet néanmoins d’aborder le monde des représentations visuelles sur ce commerce.

Nous avons choisi de présenter, dans un premier temps, des images, des objets produits par des artistes français. Leurs œuvres contribuèrent à donner une représentation visuelle de la traite négrière et de l’esclavage qui nous est devenue familière : images de la séparation d’avec la terre natale, des corps enchaînés, des bateaux négriers, des punitions, de la plantation. Notre sélection montre cependant qu’il serait dommage d’en rester à ces représentations : le discours graphique ou plastique sur la traite négrière, l’esclavage et leurs abolitions fut complexe et divers. Ces thèmes servirent d’inspiration à la décoration d’objets usuels, de meubles, de vases, de tissus, de tabatières. Tout inventaire doit aussi inclure les objets qui peuplaient le monde du travail sur la plantation (moulin à sucre, moule à sucre…).

Cependant, il ne donne pas encore à voir les expressions artistiques des esclaves, dont il faudra travailler à représenter visuellement les apports : musique, langue, rituels, pratiques de créolisation… C’est un des aspects futurs de ce travail d’inventaire.

Au cours des siècles, artistes, peintres, graveurs, sculpteurs et lithographes ont représenté ce qui était « irreprésentable » : la torture, la déportation, l’exil, la mise en esclavage. Mais jusqu’ici, les images de la traite négrière, de la vie sur les plantations, des résistances des esclaves ont d’abord été montrées pour en « décrire » la violence et la brutalité. Peu de ces objets appartenant au « grand art », ils ont été utilisés avant tout comme « illustrations » du crime. Comment appliquer les critères esthétiques pour décrire la torture, la déportation, l’exil, la mise en esclavage ? Ces objets peuvent-ils devenir des objets mémoriels ? Que disent-ils ? Qu’est-ce que l’objet efface de l’expérience de l’esclave tout en en montrant un aspect ? Que permet-il de voir, de comprendre, d’appréhender de l’expérience de la servitude ?

Avec cette sélection, nous souhaitons revenir par l’image sur ce crime contre l’humanité et mettre en lumière le lien entre mémoire, histoire et culture visuelle afin d’approfondir les questions liées à cet événement appartenant à l’histoire nationale. Ce travail est appelé à s’enrichir à la fois par l’ajout de nouvelles œuvres inventoriées et par une réflexion plus approfondie sur les liens entre l’art et le crime contre l’humanité.

CPME
Mai 2006